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Photo du rédacteurLuc Simard

Pour bâtir une organisation inclusive, il faut des gestionnaires courageux

Une organisation qui veut devenir plus inclusive réalise vite qu'elle doit transformer sa culture interne. Des changements dans les structures, dans les politiques ou dans les processus sont parfois nécessaires mais ils sont insuffisants s'ils ne s'accompagnent pas d'une nouvelle culture organisationnelle. Or ce changement de culture repose sur les épaules des gestionnaires car, de tous les groupes qui coexistent dans l'entreprise, c'est d'abord sur les cadres qu'on compte pour incarner la culture interne et pour la transmettre aux employés.


En gestion, beaucoup de comportements peuvent nuire à l'inclusion mais j'aimerais souligner celui qui me semble le plus nocif. Je parle de la tolérance envers les sarcasmes qui ciblent l'identité, l'apparence ou la façon de parler des employés issus de groupes qui sont encore marginalisés dans nos milieux de travail. Ce type de moquerie est connu sous le nom de «micro-agression» mais je trouve que le terme est trop faible pour décrire ce qui m'apparaît comme un poison.


Ce poison peut commencer à agir dès l'arrivée d'un nouveau membre dans une équipe. Il est courant que les anciens mettent la recrue à l'épreuve en lui lançant des quolibets. On est tous passés par ce genre d'initiation, qui semble exister dans tout groupe humain. Tant que les quolibets sont légers et tant qu'il n'y est pas soumis trop longtemps, le novice s'efforcera de les encaisser avec le sourire. Il sait que s'il réagit mal, il risque de démontrer qu'il n'a pas la couenne assez dure pour faire partie de l'équipe.


Le gestionnaire qui est témoin de cette initiation n'y voit habituellement rien de répréhensible. Il est même porté à croire que la recrue qui accepte de bon cœur d'être la risée démontre ainsi qu'elle franchit avec succès la première étape de son intégration dans l'équipe.


Le problème survient quand un gestionnaire se montre incapable de détecter les sarcasmes malveillants, souvent lancés et répétés sous le couvert de l'humour. Ou quand il comprend la nature des propos mais qu'il en minimise la portée. Plus souvent qu'autrement, ces sarcasmes reproduisent des stéréotypes accolés aux groupes marginalisés. Ici, c'est l'unique femme dans l'équipe masculine qui sera raillée pour sa trop grande sensibilité. Là, c'est le seul homme noir dans le groupe dont on se moquera en lui demandant sans cesse d'où il vient, quand tout le monde sait déjà qu'il est né au Québec. Pris un à un, ces sarcasmes peuvent sembler inoffensifs. Mais tel un poison absorbé à petite dose sur une longue durée, ils finissent par miner sérieusement la santé.


Celui ou celle qui est la cible de ces sarcasmes va observer la réaction de son gestionnaire. Rit-il ? Approuve-t-il autrement ? Se tait-il sans montrer d'émotion ? Un cadre complaisant envers l'auteur de propos dégradants, n'est pas un cadre qui est à la hauteur de sa tâche. Son attitude amplifie l'effet pervers des paroles sur l'employé visé. Elle nuit à son travail, elle ébranle sa confiance, elle réduit son engagement et, bien souvent, elle le conduit à vouloir quitter l'organisation. C'est encore pire si cette organisation arbore l'étendard de l'inclusion car l'employé blessé y verra la preuve d'un double discours, d'une diversité de façade.


Quand les sarcasmes deviennent du harcèlement psychologique, une forme de discrimination interdite par la loi, le comportement du gestionnaire peut aussi avoir des conséquences juridiques. Les entreprises ont en effet l'obligation de prévenir le harcèlement et de mettre un système en place pour traiter les plaintes qui en résultent. Or ce système n'est pas la responsabilité unique des ressources humaines, les cadres y ont aussi un rôle à y jouer. On observe pourtant que la plupart des employés victimes de propos discriminatoires ou de harcèlement psychologique n'osent pas se plaindre à leur gestionnaire. Un tel geste, craignent-ils, nuira à leur progression de carrière et, s'ils ont déjà pris la décision de quitter l'entreprise, leur vaudra une mauvaise référence.


Une gestionnaire qui fait son devoir va tenter de prévenir l'expression de sarcasmes discriminatoires. Elle va indiquer à ses employés que ces propos, même s'ils se veulent humoristiques, sont interdits dans l'équipe. Et si des paroles blessantes sont quand même prononcées, elle va tenter d'en neutraliser l'effet. Comment va-t-elle s'y prendre ? D'abord en répliquant sur le champ aux propos odieux pour affirmer qu'ils sont inexcusables. Elle devrait ensuite avoir un tête à tête avec l'auteur des paroles pour qu'il en mesure les conséquences et qu'il entreprenne d'y remédier. Puis elle devrait parler à l'employé meurtri pour lui dire comment elle compte prévenir un nouvel incident et pour lui indiquer comment il pourrait, s'il le désire, présenter une plainte formelle.


J'ai écrit dans un autre billet que les qualités primordiales d'une gestionnaire étaient la curiosité, l'humilité, l'empathie et l'authenticité. Je réalise que j'en ai oublié une: le courage, plus précisément le courage de neutraliser les propos empoisonnés qui minent la santé des organisations.











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