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Pas de vraie diversité sans représentativité des gestionnaires !

Même si elles prétendent le contraire, beaucoup d'organisations se contentent d'afficher une diversité de façade, ce qu'on appelle du «tokénisme». Le meilleur indicateur de ce phénomène est un déficit de représentativité des gestionnaires. Dans les organisations qui «font semblant» en matière de diversité, on compte généralement peu de cadres issus des groupes marginalisés et plusieurs d'entre eux se sentent instrumentalisés. À l'opposé, les entreprises qui aspirent à une vraie diversité s'emploient à bâtir un effectif de gestionnaires reflétant un large éventail d'identités.


Je parle souvent des gestionnaires dans mes billets et on pourrait me demander à juste titre pourquoi je donne autant d'importance à ce groupe. C'est qu'en plus d'avoir exercé ce rôle pendant la moitié de ma vie professionnelle, le gestionnaire est le rouage central de l'organisation: c'est elle ou lui qui dirige les équipes et qui porte au quotidien les orientations de l'entreprise.


Or la représentativité des cadres est cruciale pour plusieurs raisons. D'abord, elle ouvre à l'ensemble des employés la possibilité d'occuper un jour un poste de responsabilité. Puis elle allège le poids des gestionnaires issus de groupes marginalisés car ils n'ont pas à promouvoir une diversité factice. Enfin, elle assure un meilleur équilibre du pouvoir, qui n'est plus monopolisé par ses détenteurs traditionnels, soit les hommes blancs.

Je rappelle que selon Statistique Canada (2021), les trois-quarts des gestionnaires du pays sont des hommes blancs.

Dans la construction d'une équipe de gestionnaires représentative, certaines mesures sont plus efficaces que d'autres. Pour en dresser la liste, je puise dans mon expérience personnelle mais je m'inspire aussi de deux chercheurs universitaires, Alexandra Kalev et Frank Dobbin, qui synthétisent leurs découvertes dans le livre «Getting to diversity: what works and what doesn't» (2022). Leurs travaux portent sur les États-Unis mais ils sont également éclairants pour le Québec et le Canada.

La première mesure efficace est d'étende le recrutement à de nouveaux viviers. C'est parmi les employés que les organisations choisissent généralement leurs cadres. Les bassins de talents encore sous-estimés se trouvent dans les communautés traditionnellement marginalisées, comme les personnes en situation de handicap, les minorités racisées, la communauté LGBTQ et les femmes occupant des fonctions à forte prédominance masculine. Il faut aller à la rencontre de ces talents, dans les établissements d'enseignement qui les forment ou dans les associations qui les rassemblent.


Une fois recrutés, il faut ensuite que leur intégration soit harmonieuse. Cela dépend en bonne partie des responsables d'équipes mais on accroît les chances de succès en offrant du mentorat aux nouveaux-venus. Ce mentorat devrait être pris en charge par un gestionnaire qui n'est pas le supérieur de la recrue. Cette dernière aura ainsi la chance d'obtenir des réponses aux questions qu'elle se pose mais qu'elle n'ose pas adresser à son chef d'équipe. Le mentorat aide aussi l'organisation à identifier les employés performants qui pourront un jour accéder aux postes de cadres.


Troisièmement, les programmes de formation et de développement professionnel doivent s'ouvrir à tous. Ces programmes sont des jalons essentiels dans le parcours d'un employé qui aspire à devenir gestionnaire. Dans la plupart des organisations, les candidats à ces programmes sont référés par leurs supérieurs mais comme les cadres sont le plus souvent masculins et blancs, ils ont tendance à choisir des gens qui leur ressemblent. Dans ce cas, il faut réviser la liste des participants et la modifier au besoin pour y garantir la présence de tous les groupes d'employés.


En quatrième lieu, l'équilibre entre le travail et la vie privée doit se hisser au rang des priorités organisationnelles. Des arrangements comme les horaires souples et le télétravail sont cruciaux pour retenir les employés, y compris ceux à haut potentiel. Mais cela marche à une condition: la direction et l'ensemble des cadres doivent donner l'exemple. Un employé qui aspire à de hautes fonctions observe le comportement des dirigeants et lorsque ces derniers n'utilisent pas les assouplissements offerts, le message est clair: par crainte de mal paraître et de voir sa progression de carrière ralentie, l'employé ambitieux ne les utilisera pas non plus.


Cinquièmement, désigner un personne ou idéalement une équipe pour porter l'enjeu de la diversité donne aussi des résultats tangibles. Cette personne ou se groupe doit disposer de moyens pour accompagner la direction et les cadres et leur faire garder le focus sur les cibles à atteindre. Ce sont les responsables de la diversité qui, par exemple, peuvent interroger les cadres sur leurs décisions d'embauche ou sur leur sélection des candidats inscrits aux programmes de formation.


Sixièmement, l'organisation doit diffuser ses cibles de diversité, au moins à l'interne, idéalement à l'externe. Même si la diversité est une priorité organisationnelle, l'absence de cibles connues donnera peu de résultats. Une priorité chiffrée qui est communiquée à l'ensemble du personnel deviendra au contraire un facteur de motivation pour tous, à commencer pour les cadres, qui sont habitués aux cibles et qui cherchent naturellement à les atteindre. Mais il y a encore mieux: une priorité ciblée qui est communiquée à l'ensemble des autres parties prenantes - clients, actionnaires, citoyens, etc. - aura encore plus de chances de succès car le mouvement qui la porte sera beaucoup plus fort.


Voyons maintenant ce qui ne marche pas. Je me contenterai de mentionner une seule mesure parce qu'elle est probablement celle qui est la plus employée dans les organisations qui visent la diversité: il s'agit des formations obligatoires sur les «biais» inconscients. Ces «biais», qu'il vaut mieux appeler des préjugés, existent sans doute. Mais le problème est d'en faire l'outil principal de la stratégie de diversité. Les recherches des professeurs Dobbin et Kalev démontrent que ces programmes n'améliorent pas la représentativité des équipes de gestion et qu'ils peuvent même la réduire. Comment cela est-il possible ? Cela s'explique par l'irritation que ces formations provoquent parmi les gestionnaires. On leur enseigne que leur jugement est faussé par les préjugés alors qu'ils croient plutôt traiter chaque employé avec équité. Leur irritation se transforme bien souvent en résistance à tout effort de diversité. Le constat est troublant mais dans les organisations qui imposent des formations obligatoires sur les préjugés inconscients, les employés issus des communautés sous-représentées ont davantage de difficulté à percer les rangs de la gestion.


Pour améliorer la représentativité de la classe de gestionnaires, il y a donc toute une série de moyens efficaces et au moins un qui se révèle stérile. Retenons aussi que pour atteindre la cible, il faut conserver l'appui des gestionnaires et surtout ne pas se les mettre à dos.









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Convidado:
31 de jan.
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Bonjour Luc, lectrices·lecteurs. Un titre et sujet authentique qui représente un angle-mort pour certaines organisations en quête de cet environnement Diversifié, équitable et inclusif. Éclairantes sont les mesures que tu présentes, dans une évolution du cycle de vie et développement des personnes au service des organisations. Je me permet un commentaire que je nomme comme "bémol" sur la mesure qui fonctionne moins bien, sans le désire d'en faire un débat mais plutôt une réflexion dans la pratique: les biais inconscients, à mon avis si importants à en prendre conscience, sont, dans la majorité des situations, à la source des "micro-agressions" présentes dans notre quotidien. Les biais sont un mécanisme normal de notre cerveau. Dans ton exposé, et considérant la nature…

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