La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, célébrée le 30 septembre, me donne l'occasion de parler de la distinction qu'on devrait faire entre les Autochtones et les autres groupes visés par l'EDI (équité, diversité et inclusion). En plus des Autochtones, les lois et les programmes pour contrer la discrimination ciblent habituellement les femmes, les personnes racisées, les gens de la communauté LGBTQ ainsi que les personnes en situation de handicap.
Tous ces groupes ont été traditionnellement désavantagés et aucun n'est encore parvenu à atteindre le niveau de vie des hommes blancs, qui sont toujours au sommet de la pyramide.
Sans vouloir négliger les aspirations légitimes de chacun, c'est cependant une erreur de placer les Autochtones sous le vocable de la diversité. Pour au moins trois raisons.
D'abord, les Autochtones ont leurs propres identités nationales. Ils se réclament habituellement de l'une ou l'autre des 11 nations que comptent le Québec, parfois même de 2 nations pour ceux issus de familles mixtes. Un citoyen autochtone préfère généralement affirmer son identité nationale plutôt que de se dire simplement Autochtone, un mot qui est vu comme trop général.
Les nations autochtones jouissent d'ailleurs, sur le plan juridique, du statut de nations distinctes. Rien de tout ça n'est nouveau: elles ont été reconnues comme telles dès l'époque de la colonisation européenne.
En plus de sa nation, une personne autochtone est généralement fort attachée à sa communauté d'origine. Il y a 55 communautés réparties sur le territoire québécois. Quelqu'un, par exemple, peut venir de la communauté d'Opitciwan, en Haute-Mauricie. Et comme cette communauté fait partie de la nation Atikamekw, cette personne se présentera comme une Atikamekw d'Opitciwan.
Donc la première raison pour différencier les Autochtones des autres groupes visés par les programme d'équité, c'est leur statut juridique.
La deuxième raison, c'est leur haut niveau d'organisation politique.
Les citoyens des communautés élisent des gouvernements, souvent connus sous le nom de conseils de bande. Ceux-ci gèrent divers aspects de la vie locale, comme l'habitation et l'urbanisme. Mais leur autorité va bien au-delà des des frontières communales car ils gèrent aussi l'usage des territoires traditionnels, qui sont très vastes. La gestion de ces territoires, utilisés pour des activités de chasse et pêche mais aussi pour l'exploitation d'autres ressources, provoque parfois des frictions avec d'autres autorités politiques mais les tribunaux, jusqu'à la Cour suprême, confirment régulièrement l'autorité autochtone en cette matière.
Une autre facette de l'organisation politique est le réseau d'institutions pan-nationales que les Autochtones ont édifié et qui va de l'éducation à la santé, en passant par les services sociaux, l'économie et la main-d'oeuvre. Ces institutions sont dirigées par des gestionnaires autochtones et elles emploient du personnel autochtone.
La troisième et dernière raison pour ne pas inclure les Autochtones dans la diversité,
c'est leur histoire unique.
Les Premiers Peuples sont présents sur le territoire du Québec depuis près de 13 000 ans. Ils avaient donc une bonne longueur d'avance sur les colons français, qui sont arrivés il y a moins de 500 ans.
On sait tous que la colonisation européenne a eu un effet désastreux sur les premiers habitants du continent, entre autres parce qu'ils ont été rapidement fauchés par les virus venus d'Europe.
Quoique affaiblies, les nations autochtones ont ensuite réussi à tirer leur épingle du jeu en jouant sur les rivalités entre les puissances coloniales. Mais dès la fin des guerres coloniales, comme les nations venaient de perdre leur valeur d'alliées militaires, on a voulu les assimiler de force. Avec la naissance du Canada, cet objectif a pris la forme de l'abjecte Loi sur les Indiens, qui visait clairement l'éradication de l'identité autochtone.
Un moyen qui a été utilisé pour y parvenir a été d'arracher les enfants autochtones à leurs parents pour les placer dans des pensionnats administrés par les communautés religieuses. Un peu plus tard, on a encore une fois enlevé des enfants pour les donner en adoption à des familles non-autochtones.
Ce plan d'assimilation comprenait aussi la dépossession territoriale des nations et leur confinement dans les réserves de taille réduite.
Ça peut sembler étrange, mais n'oublions pas que la dépossession se poursuit car une grande partie du Québec demeure «non cédé», c'est-à-dire qu'il n’a pas fait l’objet de traités entre les nations autochtones et les gouvernements du Québec et du Canada.
Malgré toutes ces tentatives, les Autochtones ont survécu. Ils continuent de résister et ils s'emploient à démanteler les obstacles qu'on a mis devant eux.
Gardons ces différences en tête quand nous cheminons vers l'EDI. Il y a plusieurs routes pour y parvenir et les Autochtones ont la leur, qui leur est propre.
C'est particulièrement important de se le rappeler à l'approche de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Comments